Que peut l’art pour les transitions écologiques?

Le 6 septembre 2023, j’ai été invitée à participer à la table-ronde du congrès annuel de l’AEAP – Association des Écrivains et Artistes Paysans, sur le double thème :

  • Comment faire opérer un changement d’échelle à l’agriculture urbaine ?
  • Que peuvent y apporter les artistes, les écrivains et l’AEAP ?

Je suis intervenue « en tant qu’hybride », avec ma double casquette d’artiste (ibrida folia – http://www.ibridafolia.art) et de facilitatrice des transitions agri-alimentaires et rurales à Sol et Civilisation (www.soletcivilisation.fr).

Je partage ici mon propos en résumé :

Dans l’introduction de son livre de référence Un art écologique, Paul Ardenne écrit : « Que peut l’art face aux dégradations du vivant ? Pas grand-chose. »

L’art a probablement un effet « homéopathique » face aux dérèglements climatiques, à la perte de biodiversité, aux pollutions… comme les jardins collectifs urbains et périurbains aujourd’hui, et les initiatives d’agriculture urbaine dont nous avons longuement parlé à l’occasion de ce congrès. Et pourtant, comme eux, l’art a un pouvoir symbolique et la force de l’expérience vécue – aussi bien pour celui ou celle qui crée que pour celui ou celle qui reçoit une œuvre. Et plus que jamais, nous en avons besoin…

Laissant émerger les idées, 3 points-clés me sont apparus quand au pouvoir de l’art (et il semble que l’on puisse y inclure l’art du jardin !) à soutenir les transitions agricoles, alimentaires et écologiques :

L’art ouvre des espaces de sensibilité

Créer comme recevoir une œuvre mobilise les sens, l’intuition, le souffle, le geste, le corps, produit des émotions… À l’heure où la technologie, les procédures et les normes mettent une distance entre le réel et nous, nous avons besoin de faire de la place à cette sensibilité, à ce mode « cerveau droit » complémentaire à l’analyse et à la rationalité.

Baptiste Morizot va jusqu’à affirmer que la crise écologique est avant tout une « crise de la sensibilité (au vivant) ». Je le rejoins.

L’art ouvre des espaces relationnels

L’AEAP l’illustre parfaitement : l’art, qu’il soit littéraire, visuel ou musical, permet de témoigner : de nos relations aux autres, de nos relations aux paysages qui nous sont chers, de nos relations aux territoires, aux métiers que nous pratiquons… L’art permet de laisser une trace de ce qui compte pour nous, à celles et ceux qui viendront.

Lorsqu’il est collectif, l’art est plus que jamais relationnel, car c’est la relation aux autres et au groupe qui conditionne l’émergence puis l’existence de l’œuvre commune.

Enfin, comme en témoigne Estelle Zhong-Mengual dans son excellent ouvrage Apprendre à voir ; Le point de vue du vivant – que je vous recommande vivement ! – l’art peut être une invitation à entrer en relation autrement au vivant. Non plus de façon supérieure, considérant la nature comme simple ensemble de ressources nécessaires aux humains, ou comme supports-symboles de nos propres sentiments et états d’âme, mais bien pour « ce qu’elle est vraiment » : un ensemble d’êtres en interactions, avec leurs besoins et spécificités propres, et leur point de vue sur le monde…

L’art ouvre des espaces narratifs

Enfin, si l’art a pouvoir de témoigner, sa capacité à faire récit ne s’arrête pas là. L’art peut également proposer de nouveaux récits de ce qu’il pourrait arriver, du monde que l’on souhaiterait voir advenir. Or, si le récit techniciste, performatif, dégradateur du vivant, ultra-technologique est assez clair dans nos esprits et nos rétines, nous manquons de mots et de visuels pour raconter un récit de la relation, de la convivialité, de la sobriété, de la complexité… et de nouvelles relations humains – non humains, « par-delà nature et culture » pour citer Philippe Descola.


Merci l’AEAP, et en particulier Marcel Marloie et Jacqueline Bellino pour votre sollicitation et votre confiance !

Merci Monsieur le Maire de Ris-Orangis, Stéphane Raffali, pour votre accueil et votre écoute !


Pour aller plus loin :

Manières d’être vivant ; Enquêtes sur la vie à travers nous, Baptiste Morizot

Apprendre à voir ; Le point de vue du vivant, Estelle Zhong-Mengual

Par-delà nature et culture, Philippe Descola

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