En ces temps de pandémie de #coronavirus, où certain.e.s sont confiné.e.s chez eux ou risquent de l’être bientôt, je lis et j’entends tout et son contraire sur ce que cela signifie dans notre rapport au temps.
Certain.e.s clament l’opportunité de ralentir, de se confronter à soi-même, à l’ennui et de se poser les « bonnes » questions sur les relations que nous entretenons avec celles et ceux qui partagent, ou non, nos foyers. Ils et elles clament l’opportunité de se recentrer (enfin) sur l’essentiel, de passer du temps avec ses ami.e.s et ses amours, de regarder et d’écouter les arbres fleurir et les oiseaux chanter à travers la fenêtre entrebâillée. Ils et elles clament l’opportunité de questionner nos vies professionnelles effrénées si remplies de réunions interminables et de déplacements à la ville, à la capitale ou à l’autre bout du monde.
Certain.e.s au contraire clament la menace de la désorganisation en cours et à venir, les galères qu’il y a à s’organiser, l’angoisse que fait naître l’incertitude de savoir combien de temps tout cela va durer. Ils et elles clament la menace des conséquences économiques et sociales d’un arrêt si brusque des activités. Ils et elles clament la menace des conséquences dramatiques d’un hoquet du système, dont quelques mauvais souvenirs resurgissent du passé… on sait ce que donne la perte de confiance des marchés financiers, et le blocage des frontières…
Si nos systèmes sont éminemment fragiles, c’est parce qu’ils sont éminemment complexes, c’est-à-dire construits sur un nombre incalculable de flux, d’interactions et de relations : de personnes, de marchandises, de services, d’informations, de matières premières. Pourrait-on dès lors penser cette situation pour ce qu’elle est : une situation complexe ? C’est-à-dire penser que ces opportunités et ces menaces, qui nous apparaissent d’abord comme des contraires, sont en réalité des complémentaires, et qu’il existe probablement davantage de réponses dans leur rencontre plutôt que dans leur opposition…
Personnellement, je vois et je ressens à la fois l’opportunité et la menace. Je m’inquiète et je trouve qu’on en fait parfois trop. Je crois ce qu’on me dit et je m’interroge. Je perçois plus que jamais mon travail comme une priorité et aussi la santé de mes proches et des êtres humains les plus fragiles. Je pense à moi et aux autres. Je veux faire confiance à la vie et je suis tentée de remplir mes placards d’huile et de farine. Je me désole que ce sujet en cache tant d’autres aussi cruciaux et j’écris cet article qui y est consacré…
Si ce coronavirus devait être une opportunité, pour moi ce serait celle de toucher du doigt, tous ensemble, cette complexité qui est en chacun.e de nous et autour de nous, dans nos sociétés. De sortir un temps des dichotomies qui nous divisent, et de s’attacher à porter attention à toutes ces voix qui cohabitent dans nos têtes et dans nos échanges avec les autres, à les accueillir toutes pour légitimes, sans jugement.
Le plus grand risque de ce virus, après évidemment les pertes humaines qu’il cause et peut causer encore, c’est le risque de nous diviser. Entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, entre ceux qui ont raison et ceux qui ont tort, entre ceux qui font bien et ceux qui font mal, entre ceux qui clament l’opportunité et ceux qui clament la menace. J’aimerais que nous arrivions à voir qu’il y a tous ceux-là et toutes celles-là en chacun.e de nous, et que cet événement, qui nous isole les un.es des autres physiquement, peut nous conduire à jeter des ponts entre nos complémentaires.
Ce n’est pas simple (c’est complexe !) Cela demande d’accueillir tout ce qui est là, maintenant, et en particulier ce qui nous est inconfortable. L’incertitude, la crainte et la colère, la peur, l’indignation, l’ambivalence. C’est un sacerdoce. C’est aussi un cadeau, car cela ouvre la porte à l’acceptation de qui nous sommes, chacun.e et ensemble, dans toute notre complexité, et donc dans toute notre humanité.
L’instant présent est un cadeau, et un sacerdoce.