La complexité pour les nul.le.s

Adaptation aux dérèglements climatiques et décarbonation, développement du bien-être et de la santé pour tou.te.s, respect de la biodiversité naturelle et humaine… nous ne relèverons pas ces grands défis du XXIe siècle sans les aborder pour ce qu’ils sont : COMPLEXES (donc non, une loi ou une taxe, ça ne peut pas suffire). Sauf que la COMPLEXITÉ, c’est difficile d’en parler sans être trop conceptuel…

Alors pour vous, et pour celles et ceux à qui vous voudrez en parler, je m’essaye à différents exercices. Résultat du jour : ce petit mémo illustré de la complexité !

Vous me direz ce que vous en pensez 😉

Règle n°1 :
jamais tu ne la maîtriseras (complètement)

C’est la différence entre monter un meuble en kit – c’est parfois trèèès compliqué, on est d’accord, mais il y a une notice, des pièces numérotées, une liste d’outils à se procurer… il y a donc une marche à suivre… – et faire pousser des (vraies) plantes dans sa maison. Pour les plantes, on peut avoir les conseils de son voisin, de sa grand-mère et même d’Internet, il n’en reste pas moins que certains facteurs de croissance – ou de décès – desdites plantes restent aléatoires et mystérieux… si bien que votre décoration d’intérieur n’est jamais garantie. Tout comme la récolte de votre voisin.e agriculteur.rice… Pourquoi ? Parce que la nature, aussi artificialisée soit-elle, n’est pas compliquée, mais complexe…

Règle n°2 :
les éléments, en interactions, tu constateras

La nature est complexe parce que si l’on joue sur un facteur, celui-ci change… mais pas tout seul ! Imaginons que vous constatiez votre plante en pot un peu faiblarde, et que vous la déplaciez dans un endroit plus ensoleillé… voilà que la terre se dessèche beaucoup plus vite et que si vous n’arrosez pas plus souvent, cela ne fait qu’empirer les choses… hum hum. Vous n’êtes pas jardinier.e ? Cet exemple vous parlera peut-être davantage : « Qu’est-ce que je vais manger ce soir ? J’irais bien au fast food, mais il paraît que c’est mauvais pour la planète… alors un gratin de légumes… mais je n’ai pas le temps de le préparer… le traiteur du quartier est très bien, mais il est trop cher, ça me plombe mon budget… » Vous voyez l’idée ? Et je ne parle ni de végétarisme, ni de véganisme, ni de bio ou de raisonné, ni de local et de saison, ni de terroir et de recettes régionales… Bref…

Règle n°3 :
les causes des conséquences tu ne distingueras

Cette fameuse question de l’œuf et de la poule, aussi appelée « boucle de rétroaction », ou quand la conséquence vient alimenter la cause, devenant elle-même une cause… Le cercle vicieux, quoi ! Au hasard, débrouillez-vous pour faire monter la température terrestre de quelques degrés (allez, faites un effort, ça ne doit pas être si difficile), et voilà que vous faites fondre le permafrost (ou « pergélisol », ce sont les terres gelées aux pôles de notre chère planète…). Ledit permafrost libère, en fondant, des gaz à effet de serre qui – je vous le donne en mille – font augmenter la température… Une boucle. Non linéaire, donc !

Règle n°4 :
émerger des interactions, de nouvelles propriétés tu verras

Ou comment compléter la si célèbre « brique élémentaire » de ce cher René Descartes… vous savez, celui qui a une méthode infaillible pour transformer les animaux en machines… Donc puisqu’on a des briques, on a… juste des briques ? Ah oui, mais si on les agence les unes avec les autres, on peut en faire, je ne sais pas, moi… un mur entre deux pays ? Plutôt un banc pour les amoureux ? Bref, les relations que vous déciderez d’instaurer entre ces briques leur conféreront des propriétés au moins aussi importantes que les propriétés des briques elles-mêmes… Des propriétés émergentes, quoi.

Règle n°5 :
en mode fractal tu raisonneras

Edgar Morin nous interpelle : « Est-ce l’individu qui fait la société, ou la société qui fait l’individu ? » Nous pourrions ajouter : l’humanité façonne-t-elle son environnement, ou l’environnement façonne-t-il l’humanité ? La réponse est dans les choux (mais pas n’importe lesquels). Observez un chou romanesco (un chou-fleur ça marche aussi, mais il faut mieux regarder…) et vous constaterez que quelque soit l’échelle à laquelle vous vous placez, l’ensemble du motif est présent. La partie contient le tout, et le tout contient la partie. L’individu est dans la société, et la société est en lui (par la langue, la culture, les habitudes alimentaires…) ; nous façonnons notre environnement comme il nous façonne également. Morin appelle cela le « principe hologrammatique »…

Règle n°6 :
avec l’imprévisibilité et l’incertitude tu te familiariseras

Mais comment se fait-il donc (boudiou de boudiou) qu’au XXIe siècle, alors qu’on a envoyé 2630 satellites en orbite autour de la Terre, on ne soit pas capables de prédire le temps qu’il fera (vraiment) demain ?! Vous avez une petite idée ? (Le titre de l’article peut vous mettre sur la piste). Voilà voilà ! Alors plutôt que de croire que c’est une question de temps (au sens temporel du terme), et qu’un jour techniques et technologies seront suffisamment perfectionnées pour prédire la taille du nuage au-dessus de notre tête le 1er janvier 2050 à 00h00 GMT+1, et le nombre de gouttes qui s’abattront alors sur nous (en plus de nous donner l’heure de notre mort), peut-on se dire que relever nos défis contemporains consiste avant tout à prendre des décisions, donc à négocier, à partager des points de vue, et donc à s’écouter et chercher à se comprendre mutuellement ?

Si je résume, la complexité, c’est :

Lâcher prise
Porter attention à ce qui relie les éléments (ce qu’il y a entre les « silos »)
Laisser un peu les « donc » au vestiaire
Penser 1+1=3 (au moins)
Re-lâcher prise (et apprendre à (s’)écouter)

Et vous, la complexité, comment vous en parlez ?

Illustrations : manfredsteger sur Pixabay.com

1 commentaire

Le collage, cet art de l’hybridation a dit :

15 janvier 2021 à 18 h 32 min

[…] quelque chose de nouveau et d’unique à partir d’éléments existants, autrement dit le résultat est « supérieur à la somme de ses parties ». C’est un art de la complexité […]

Règle n°1 : jamais tu ne la maîtriseras (complètement)

Règle n°2 : les éléments, en interactions, tu constateras

Règle n°3 : les causes des conséquences tu ne distingueras

Règle n°4 : émerger des interactions, de nouvelles propriétés tu verras

Règle n°5 : en mode fractal tu raisonneras

Règle n°6 : avec l’imprévisibilité et l’incertitude tu te familiariseras

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