Chaque début d’année, quand Janus aux deux visages ouvre une porte sur le renouveau, je publie un texte pour vous partager mon intention, mon vœu, pour la nouvelle année. Christie Vanbremeersch écrit que « poser une intention c’est jouer au ping-pong avec la vie, envoyer la balle dans une certaine direction et avoir confiance dans le fait que la vie va nous la renvoyer… comme elle voudra ».
Alors je joue !
L’an dernier, je nous souhaitais la liberté. Je ne sais pas pour vous, pour moi ce fut puissant ! Une année charnière de décisions, échanges et rencontres si importantes et précieuses ❤ À son issue, j’ouvre un second chapitre de ma vie professionnelle. (Encore) plus écologique au sens d’attentif aux relations ; (encore) plus créatif et artistique, le récit au cœur ; (encore) plus soutenant pour ce qui est présent là, caché émergent et souvent inavouable…
Trêve d’introduction, le texte !
« C’est comme ça que ça traverse la paroi invisible qui me sépare de ce qui n’est plus moi. Un expire, profond. Quelques millilitres d’air, qui repartent faire leur tour de la terre. Et au fond, une vibration. Parfois un frisson, des épaules aux phalanges. Un ange, passe et m’échappe.
Dans l’espace qui est là, entre le toi et le moi, qui paraît vide comme le trou que forme la gêne qui s’invite d’abord, dans l’espace vaste il y a contact. Une ligne tendue. Ténue. Abordage invisible, et pourtant. L’espace entre se fait dense tout à coup. Chargé des cordes qui relient. Il se forme un filet des ondes de nos vies, de nos sinusoïdes, courbes de temps, réseau de lignes-musiques. Il y plonge un morceau de mon âme, et je sens qu’il frémit, touche, tremble, et mon moi en émoi, qui ne sait pas quoi faire. Quoi dire. Quoi penser, même. C’est bizarre et délicat, et je crois qu’il y plonge un morceau de ton âme, à toi aussi. Toi, l’Autre. Si différent de moi. Et si pareil, car voilà que je vois, en partage, la vivante condition : être un corps dans le monde, pour naître, grandir, chercher à s’épanouir, mourir.
Dans cet espace-là entre le toi et le moi, les molécules s’agitent et ça chauffe et ça se cherche, ça danse sémillante et si de tout ça on « se sent bien », voilà qu’un nous s’envole à dos d’oiseau et fend les entrailles du ciel qui ne se lasse pas de ces envolées-là. Nous montons tout là-haut, dans nos mains tintent les grelots et au passage, l’oiseau happe des syllabes, en attente patiente au milieu des nuages. Dans mon oreille, tes mots. Dans ton oreille, mes mots. Merveilles. Nous planons et tout à coup nous importe le corps battant de l’oiseau qui nous porte. Cette relation, avec dedans nos cœurs cognants. Les arbres. Le vent. L’impériosité de la choyer, de caresser ses ailes du bout de nos joies. Et prendre le risque d’en être un peu moins soi.
Cet élan, cette tendresse, cette lubie de se prendre dans les bras, de se sourire à pleines dents de la mer Michel qui a perdu son chat, elle se grippe parfois. Orage menace. Éclate. Ça casse. Oiseau chavire, et nous coulons, et je me noie dans un océan de honte et les algues gluantes m’engloutissent et me dégoûtent. Dans mes yeux, des gouttes. Du sel. Et dans les tiens aussi. Dans ma bouche, dans ma gorge. Je bois la tasse et la coupe jusqu’à la lie. Folie. Parce que tout ça, c’est beau et fort et triste à la fois. Triste parce que ça s’arrête, parfois. Il faut rafistoler ou il faut se quitter. Quoi qu’il en soit, il faudra accepter.
Et le matin où l’on s’y attendra le moins, la détresse digérée, métabolisée, le crocus percera la neige de son désir renouvelé. Et nos âmes tout autant. À nouveau naîtra l’envie de cajoler. D’oser la délicatesse d’un baiser. »
Bref ! Je vous souhaite, je te souhaite, je nous souhaite, de l’AMOUR en 2024 !! Des câlins aux arbres, des yeux dans les yeux du chat et de qui tu voudras, des mains dans la main d’humains et toute autre forme qui vous plaira… Car n’oublions pas ! D’amour il y a de toutes sortes, jusqu’à huit selon les grecs antiques. Amour de soi, filial, amical, passionnel, espiègle, maniaque, durable, universel… J’ajoute l’amour pour le vivant, vibrant, remuant et juste hallucinant. Pour les corbeaux, les moineaux, les feuilles du tremble et la pluie de septembre, les prés, les peupliers, les vaches sages et les marécages, les ailes du moucheron, les cœurs des pucerons. La terre qui colle aux bottes. Et même les cloportes… Je vous embrasse sur les deux joues.
Pour continuer dans le partage, oser la résonance, une petite proposition pour vibrer d’amour avec le vivant (les oiseaux en l’occurrence !) : prenez un temps pour vous, une bulle de calme, et écoutez l’une de ces trois chansons, yeux fermés, en lui portant toute votre attention, en ouvrant un espace à vos sensations. Que se passe-t-il pour vous pendant l’écoute ? Des émotions, souvenirs, rêves ? Que voyez-vous ? Ressentez-vous ? Une fois la chanson terminée, déposez cela sur le papier, en mots, en dessin, en couleurs. Juste pour vous. Si vous le souhaitez, écrivez un texte à partir de cette matière-là, pour vous et/ou pour partager avec qui vous voudrez !
I like birds, The Eels
Blackbird, The Beatles
Nightingale, Norah Jones
